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Le eLS s'engage pour les femmes

27.02.2019

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ATTENTION, certains propos peuvent heurter la sensibilité des plus jeunes ainsi que des personnes non averties.

La goutte d'eau qui fait déborder le vase

Le mois dernier, au eLS, après une partie d'Overwatch nous avons retrouvé notre joueuse Khirya en larmes. « Je n'en peux plus de me faire insulter, je suis victime de ma passion, c’est tellement dur. » Ce phénomène de sexisme, de harcèlement même, nous le connaissons bien sûr toutes et tous dans le milieu, et les filles qui le subissent sont toutes incroyablement fortes. Mais ce moment clé nous a tous choqués et nous avons décidé au eLS, avec l’aide de Khirya mais aussi plein d’autres grâce à un recueil de témoignages, de vous raconter ce qui peut parfois se passer dans le milieu de l’esport, de nous engager encore plus fortement dans le combat, pour tenter, à notre petite échelle, de contribuer à changer les choses.

Le harcèlement et les oppressions envers les femmes sont légion dans notre société contemporaine, encore plus avec l’arrivée d’internet et des jeux vidéo. La communauté gaming a tendance à freiner l’émancipation des femmes dans ce domaine. Analyse de cette tendance pour le moins inadmissible à travers différents témoignages anonymes.

« T’es qu’une salope frustrée. Ta place est dans la cuisine et non derrière un ordi », peut-on lire à travers divers témoignages. Lynchée, une partie de la communauté féminine du milieu de l’Esport déplore un réel ras-le-bol, à tel point que, désormais, c’est toute la collectivité qui s’allie pour dénoncer ces atrocités. « Tu suces des bites. Montre un peu plus ton corps. » La liste est longue et les commentaires souvent insensés. En plein essor, le monde de l’Esport ne peut pas se permettre de banaliser ce genre de commentaires, mais se doit, au contraire, de lutter face à ceux-ci. Non, cette facette, qui semble bien être le reflet de notre société, n’est pas l’image qui doit être dégagée par notre communauté.

Un frein au développement

Conséquences directes, les barrières posées aux femmes dans ce milieu sont nombreuses et difficilement surmontables. L’exemple de la joueuse coréenne d’Overwatch Geguri est frappant. Accusée de tricherie – elle évoluait à un niveau très élevé – elle a dû répondre aux différentes accusations à son égard en démontrant ses talents en direct et face caméra.

La Suisse est, elle aussi, touchée par ces entraves. De nombreuses joueuses se voient refuser un poste dans les équipes masculines sous le seul prétexte qu’elles sont du sexe féminin. « Il y a quelques temps, j’étais dans une team Esport de haut niveau avec deux équipes : une de garçons et une mixte. Lorsque l’équipe de garçons a eu besoin d’un remplaçant, un ami m’a proposé de rejoindre l’équipe. Très vite, le capitaine m’a fait comprendre que je n’aurai pas ma place dans cette formation », explique une des victimes, qui ne parvient pas à briser ce plafond de verre. « Le problème n’était pas le niveau ; il le connaissait, étant donné que l’on jouait ensemble. S’il prenait une fille, il avait simplement peur que des plan culs s’installent et instaurent une mauvaise ambiance dans l’équipe. L’idée, selon eux, est que comme je suis une fille, je suis forcément une salope et je vais forcément me taper tous les mecs… ».

Loin d’être insensibles à ces attitudes qui perdurent, les joueuses Esport sont, de plus, cantonnées à certains rôles lors de leurs différentes rencontres. « Il y a deux filles dans notre équipe ? on a perdu ! » Ou encore : « C’est biologiquement prouvé, les filles ne sont utiles qu’en rôle de support, et même à cela, elles sont plus nulles que les garçons. » En somme, les joueuses ne sont pas écoutées lorsqu’elles donnent des call (ndlr : ordres, consignes), quand bien même les instructions sont totalement correctes et objectives. Les rôles offensifs tendent à être réservés à la gente masculine, tandis que les gameuses demeurent vouées à des positions de soutien. Incompréhensible.

Des réactions diverses

Face à cela, les joueuses n’ont – logiquement – pas toutes la même capacité à supporter ces injures, qui peuvent impacter considérablement le moral, la motivation mais également d’autres aspects psychologiques. « Le jeu vidéo, c’est une réelle passion. Mais on me fait comprendre que je n’ai pas le droit d’être une femme. Oui, je le vis très mal, et ça peut aller jusqu’à me faire pleurer des soirées entières », avoue l’une d’entre elles. Ancienne membre de l’équipe d’Overwatch au Lausanne Esports, Khirya demeure pour sa part un brin plus pragmatique, mais tout autant blessée : « Parfois, j’ai fondu en larmes tellement les propos étaient violents : ce sont des mots, mais ils font mal, regrette-t-elle. Je tente de passer au-dessus, en leur indiquant à ma manière que l’on est ici pour jouer et que mon but premier est de remporter la partie. Quand on gagne, c’est une sorte de victoire personnelle. ».

Gare à l’entretien des stéréotypes

Le ras-le-bol des filles se dirigent certes vers leurs homologues masculins, mais concerne également les autres joueuses. En arborant des tenues légères dans le but d’attirer les garçons sur leur live ou leurs vidéos, une partie d’entre elles entretiennent les stéréotypes et nuisent à l’image d’une gente déjà bien minoritaire dans l’Esport. « Cela me désole de voir l’attitude des femmes. On tente, en vain, de faire notre place en éradiquant ces stéréotypes, mais quand on croise des gens qui les renforcent … », constate avec désolation Khirya. « Et lorsqu’on sait que les viewers sont implicitement invités à faire des dons dans le but d’obtenir une vision plus intime de la streameuse… »

Dans cet ordre d’idées, certaines profitent de leurs atouts pour obtenir des faveurs et s’élever dans la hiérarchie. Freinées par des restrictions, ces joueuses sont prêtes à obtenir des places importantes dans des structures de renoms par une mise en avant corporelle. Tant de comportements, qui desservent celles qui tentent de performer dans le milieu Esportif pour montrer leur niveau ou divertir sans faire appel à leur corps. Oui, l’effort doit être commun et venir des deux sens afin d’éviter de ternir l’image de l’Esport à travers ces enfantillages qui prennent, malheureusement, des dimensions considérables.